Coopération – Le Brexit et ses effets sur l’Afrique et Madagascar

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brexit

Les premiers effets de la surprise du vote du Brexit passés, la plupart des marchés ont regagné leurs pertes. Mais jusqu’à ce que le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne soit réellement consommé, des incertitudes demeurent quant aux impacts de la sortie des Britanniques de la communauté européenne. Les risques ne sont pourtant pas inexistants, et l’Afrique ne manquera pas d’en pâtir.

Le 20 juin 2016, le cours moyen pondéré de la livre sterling, la monnaie britannique, par rapport à la monnaie malgache, était encore à 4 788 ariary. Un mois plus tard, le 20 juillet, la livre sterling ne s’échangeait plus en moyenne qu’à 3 975 ariary, soit une baisse de 17% de sa valeur par rapport à l’ariary. Le cours était encore en baisse, hier, sur le marché des devises où la livre équivalait, en moyenne, à 3 868 ariary. Il est vrai que l’ariary, ces dernières semaines, s’est plus ou moins apprécié, l’euro s’échangeant actuellement à 3 240 ariary contre 3 640 ariary un mois plus tôt, et le dollar passant de 3 265 ariary à 2 956 ariary, soit une amélioration de quelque 10%. Mais la dépréciation de la monnaie britannique après le Brexit n’est pas étrangère à cette variation du cours d’échange ariary-livre sterling.

patrick imamPatrick Imam, représentant résident du Fonds monétaire international (FMI) à Madagascar, indique, certes, que « pour les pays francophones, et Madagascar en particulier, l’impact du Brexit sera moindre, vu le manque de liens directs avec la Grande-Bretagne ». Il n’en demeure pas moins que les personnes vivant à Madagascar et/ou investissant dans la Grande ile et important produits et services au Royaume-Uni se retrouvent pénalisés par la dépréciation de la livre sterling. Il estime que ces investissements directs, tout comme les aides budgétaires directes, sont peu et les impacts ne devraient donc pas être importants. « Les conséquences vont être essentiellement indirectes », poursuit-il.
Comme de nombreux pays, Madagascar souffrira des impacts du Brexit sur l’économie mondiale, en général, et sur l’économie de l’Afrique subsaharienne, en particulier. Patrick Imam reconnait que « procéder à une évaluation quantitative à ce stade est difficile, car les modalités précises du Brexit et son impact sur la croissance au Royaume Uni et dans l’UE demeurent inconnus. Toutefois, les risques semblent l’emporter sur les opportunités », poursuit-il. « Le Brexit est un choc de plus pour la région de l’Afrique subsaharienne, qui nuit aux conditions financières et extérieures, à un moment où cette région est déjà en proie à de fortes difficultés et vulnérabilités », ajoute-t-il.

unnamed-7Perte d’influence
À en croire le représentant résident du FMI à Madagascar, faisant écho à certaines analyses, « le plus fort impact du Brexit sur l’Afrique pourrait venir des changements dans le rôle joué par le Royaume-Uni comme champion de la cause du développement dans le monde ». Il rappelle que « le Royaume-Uni est le troisième pays qui contribue le plus au Fonds européen de développement, plus grand fournisseur mondial d’aide concessionnelle, essentiellement axée sur l’Afrique subsaharienne ».
Le Brexit pouvant être à l’origine d’une baisse du produit intérieur brut britannique (PIB), « l’engagement pris explicitement par le Royaume-Uni de consacrer 0,7 % de son PIB à l’aide au développement, pourrait être sérieusement entamé », signale Patrick Imam. À cela s’ajoute une éventuelle perte d’influence du Royaume Uni dans le monde, notamment dans la promotion des allègements de la dette, du maintien de la paix, de la lutte contre le changement climatique, de la réforme de l’aide humanitaire et de la lutte contre la corruption.
« Cette perte d’influence du Royaume-Uni dans le Fonds européen de développement pourrait se traduire par une diminution de la part des fonds allouée à l’Afrique », ajoute le représentant du FMI. Il n’en précise pas moins que le cas contraire peut se présenter dans la mesure où « selon d’autres analystes, le Royaume-Uni pourrait, au contraire, accroître son influence dans le monde, et non la perdre, en se tournant moins vers l’Europe et davantage vers le reste du monde ».

Les pays qui souffriront le plus du Brexit, seront ceux qui ont des liens économiques, mais aussi historiques, étroits avec le Royaume-Uni. Deux d’entre eux se trouvent très près de Madagascar : l’Afrique du Sud et l’île Maurice. « Un ralentissement prononcé au Royaume Uni pourrait avoir un effet visible sur le flux d’investissements directs étrangers dans ces deux pays », souligne Patrick Imam. Selon les chiffres présentés par le représentant du FMI, « l’IDE en provenance du Royaume-Uni représente près de 16% du PIB mauricien, tandis qu’en Afrique du Sud, ce flux a représenté plus de 6% du PIB en 2014 ». Par ailleurs, dans le pays Arc-en-ciel, « le Royaume-Uni détient environ 45 % du total des entrées d’IDE, et est la troisième destination des sorties d’IDE ».

unnamed-11Recul de la demande
Les envois de fonds en provenance du Royaume-Uni vers les deux pays, ainsi que vers d’autres dont les ressortissants sont nombreux à s’établir de l’autre côté de la Manche, pourraient également connaître une baisse. « Un affaiblissement de la croissance au Royaume-Uni impacterait sur les revenus réels disponibles des migrants, tandis qu’un durcissement des politiques migratoires aurait une incidence négative sur le nombre d’expéditeurs de ces fonds depuis le Royaume-Uni », renseigne Patrick Imam. De source auprès des statistiques de la Banque Mondiale, le nombre de Sud-Africains établis au Royaume-Uni est de 226 000. Les Mauriciens, eux, sont 42 000 à être s’installés dans ce pays.
« Les exportations de ces pays pourraient également souffrir du recul de la demande intérieure et de l’effet sur les prix de la dépréciation de la livre sterling par rapport aux devises des pays d’Afrique subsaharienne », rapporte également le représentant résident du FMI. Sans parler des « effets de contagion du Brexit sur l’UE qui pourraient nuire considérablement à la balance commerciale de la région ». « Le Royaume-Uni représente 6% des exportations de l’Afrique subsaharienne, mais les exportations vers d’autres pays de l’UE représentent 19% du total des exportations de la région », informe-t-il.
Mais si l’incertitude quant aux modalités du futur accès au marché britannique peut nuire à l’investissement, à la croissance et à l’emploi, dans les pays qui ont des liens économiques étroits avec le Royaume-Uni, le Brexit pourrait toutefois, à plus long terme, présenter un certain nombre d’opportunités, soutient Patrick Imam. « La politique agricole commune de l’UE, par exemple, prévoit des systèmes de subventions qui nuisent à la compétitivité des agriculteurs africains. Le Royaume-Uni a toujours été un farouche adversaire de ces subventions. Avec le Brexit, les pays d’Afrique subsaharienne pourraient être en mesure d’arriver à un accord avec le Royaume-Uni, qui soit plus avantageux pour eux, et qui serait particulièrement bénéfique aux pays fortement tributaires des exportations agricoles », conclut-il.

Source : Lova Rabary-Rakotondravony – Coopération – Le Brexit et ses effets sur l’Afrique et Madagascar