Le positionnement d’un restaurant dépend de l’histoire qu’il raconte et de la façon dont le client va en parler. Il faut trouver les mots et les images pour créer une identité forte. Démonstration avec le designer Germain Bourré.
« Penser un positionnement culinaire juste avec des plats et une carte, c’est une erreur. »C’est ce qu’affirme le designer Germain Bourré. Fondateur de Germ Studio, il accompagne depuis une quinzaine d’années aussi bien des marques culinaires que des chefs, « de l’agriculture à l’assiette et du quotidien jusqu’à la gastronomie« . Lorsqu’il est sollicité pour plancher sur l’identité culinaire d’un restaurant, il liste une série de questions, dont les réponses vont servir de socle à une première réflexion : « Dans quel contexte le restaurant voit-il le jour ? Est-il dans un hôtel ou pas ? Est-il indépendant ou appartient-il à un groupe ? Quelle est son implantation ? Quelle place a-t-il sur le territoire ? En effet, l’influence de la géographie et du climat va avoir des conséquences sur le contenu de l’assiette. Pour moi, la cuisine est un voyage et une destination. Et l’on peut emmener loin aussi bien avec des produits venus d’ailleurs, qu’avec de l’ultra local. L’idée à garder en tête étant : ‘qu’est-ce que le client va pouvoir raconter une fois sorti du restaurant’ ? »
« C’est bon pour le client et beau sur son Instagram »
« Enrichir votre histoire en cultivant vos racines » : c’est le slogan de Germ Studio. Car l’histoire à raconter est primordiale dans le positionnement d’un restaurant. « Le chef et le propriétaire ont des choses à dire sur la façon dont est né le lieu, sur la façon dont ils l’ont apprivoisé, dont ils s’en sont emparés », détaille Germain Bourré. De ce discours vont alors émaner des valeurs propres au restaurant, des pépites aussi, qui vont différencier l’établissement, le singulariser et ainsi créer son identité. « Lorsque le restaurant Troisgros devient Maison Troisgros, ce simple changement de nom évoque à lui seul une histoire, un lieu, des valeurs, une famille« , explique le designer. Il parle de « relecture » et de « nouvelle façon de parler d’un restaurant, comme de sa cuisine« . Et ce, tant pour le chef que pour le client : « On n’est plus dans la description, mais dans la vision. À l’instar de ce que réalise le chef Jérôme Banctel au Gabriel, à Paris (VIIIe), avec une jeune pousse d’épinard qui se tient droite dans l’assiette, parce que sa tige a été plongée dans la friture. Ce détail illustre la simplicité de son intention et rend lisible la précision et la technicité souvent cachées sous deux ou trois modes de cuisson : c’est une expérience gustative et visuelle. Ça positionne le chef et son restaurant. C’est bon pour le client et beau sur son Instagram. » Enfin, Germain Bourré souligne l’importance du service : « La façon de parler et d’apporter un plat peut aussi positionner un établissement. D’où, une fois encore, l’importance de l’histoire à raconter, et ce jusque dans la salle ».