Les requins-baleines de Madagascar : un nouvel espoir pour l’espèce ?

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Le requin-baleine, le plus grand poisson au monde, est aujourd’hui en voie d’extinction, directement exposé à de nombreux risques dans nos océans, compromettant directement sa survie.

À Madagascar, une importante population de requins-baleines a été identifiée par le « Madagascar Whale Shark Project ». En combinant la recherche au tourisme responsable, le projet propose une manière durable de protéger cet animal et son habitat. Le requin-baleine est un requin totalement inoffensif. Il a hérité de son nom du fait de sa grande taille, pouvant atteindre plus de 18 mètres, et de sa manière de s’alimenter.

Le requin-baleine est inoffensif pour l’Homme
En effet, étant l’une des trois espèces de requin filtreur, il se nourrit exclusivement de zooplancton et des petits poissons en filtrant plus de 600.000 litres d’eau par heure par sa bouche et ses branchies. Malgré la présence de petites dents microscopiques, le requin-baleine est un requin gentil, curieux et surtout impressionnant par sa taille et sa robe aux mille points blancs. En malgache, le requin-baleine est connu sous le nom du « marokintana », le requin aux mille étoiles.

Requin-baleine escorté par un banc de bonites qui me fait face, un moment aussi éphémère que magnifique. © Gabriel Barathieu, tous droits réservés
Requin-baleine escorté par un banc de bonites qui me fait face, un moment aussi éphémère que magnifique. © Gabriel Barathieu, tous droits réservés

Chaque année, les requins-baleines reviennent s’alimenter au même endroit et au même moment, le temps de quelques mois, afin de profiter de la présence de nourriture énergétique, qui leur permet de continuer leur croissance, comme les œufs de thons, le zooplancton ou les maquereaux juvéniles.

Étonnamment, seuls les requins juvéniles, mâles, en majorité, reviennent se nourrir de manière saisonnière, comme aux Philippines, au Mexique, en Australie, au Mozambique, en Tanzanie et à Madagascar. Leur présence prévisible a donné naissance à un tourisme particulier, permettant aux touristes de nager avec les requins-baleines dans leur milieu naturel. Ce tourisme de plus en plus populaire peut bénéficier à la population locale et être un argument de taille pour protéger l’espèce et leurs habitats, s’il est géré intelligemment…

En effet, malgré leur distribution dans plus de 19 pays, les requins-baleines sont, depuis 2016, une espèce en voie d’extinction sur la liste rouge de l’UICN. Depuis 2005, plus de 76 % de la population répertoriée au Mozambique a disparu, le canal du Mozambique étant pourtant l’une des zones les plus riches au monde en biodiversité marine.

Quelles sont les causes de sa disparition ?
La cause exacte de leur disparition reste inconnue, mais entre la pollution plastique, la surpêche, la pêche accidentelle par les thoniers, les collisions avec les bateaux, et le réchauffement des océans, les risques sont largement répandus pour l’espèce qui atteint l’âge adulte vers les 30 ans seulement. Les observations de requins-baleines une fois adultes se font rares, l’espèce paraissant changer d’habitat et utiliser les profondeurs et les hautes mers, à la recherche d’un partenaire. Pouvant plonger à plus de 2.000 mètres et vivre plus de 130 ans, selon des études récentes, les requins-baleines peuvent rester sous l’eau pendant des mois entiers, ne revenant à la surface que pour se nourrir.

On sait, suite à la capture d’une femelle enceinte en 1995 à Taiwan, que les requins-baleines sont ovovivipares, et peuvent donner naissance à, au moins, 304 petits. À ce jour, aucune autre information concernant la reproduction des requins-baleines n’est connue.

Un autre mystère perdure, où sont les femelles ?
En effet, la majorité des sites connus actuellement hébergent des populations avec plus de 80 % de mâles, les femelles étant rares, en particulier les juvéniles. Seulement les îles Galápagos comptent une population importante de femelles adultes (98 %), un site longtemps connu par tous comme le site de reproduction des requins-baleines, les femelles observées n’étant pas en train de s’alimenter et mesurant plus de 13 mètres, en plus de présenter un « ventre gonflé ». En septembre 2018, une équipe de scientifiques a décidé de tester cette hypothèse en effectuant des échographies des ventres de ces femelles apparemment enceintes. Les résultats ne montrent aucun signe de grossesse, et nous renvoient à la case départ. Mais où se reproduisent les requins-baleines ? Les scientifiques s’intéressent maintenant à l’île de Saint-Hélène, dans l’Atlantique, où des proportions égales de mâles/femelles à l’âge adulte auraient été observées. Récemment, au large de Ningaloo, au nord-ouest de l’Australie, l’un des sites de recherche les mieux étudiés au monde, une tentative d’accouplement aurait été observée depuis l’un des avions utilisés pour localiser les animaux. Après de nombreuses discussions, il semblerait qu’un mâle adulte soit en train d’harceler un requin-baleine juvénile, dont le sexe reste inconnu.

Protection du requin-baleine
Mais comment protéger un animal si mystérieux, sans même savoir où se trouvent les zones importantes pour le recrutement de l’espèce ? Partout dans le monde, les scientifiques se mobilisent afin d’étudier les zones d’alimentation pour cette espèce, afin de protéger ces endroits et de garantir leur protection, et donc celle des requins-baleines, sur le long terme.

À Madagascar, depuis 2015, un projet collaboratif se penche sur les requins-baleines, dont la présence est connue mais non étudiée dans les eaux de l’île de Nosy Be, au nord-ouest de Madagascar. À travers des collaborations avec un opérateur touristique qui organise des sorties en mer pour nager avec les requins-baleines, le « Madagascar Whale Shark Project » a identifié plus de 300 individus.

Un nombre inespéré pour une espèce en voie d’extinction, mais qui représente une opportunité unique pour le pays, le quatrième le plus pauvre au monde. En effet, l’île de Nosy Be est rapidement devenue une destination incontournable pour les amoureux des fonds marins, en raison de ses eaux bleues translucides et sa biodiversité marine incroyable, entre baleines à bosse, dauphins, tortues et requins-baleines.

L’objectif du projet est de collecter un maximum de données pour établir la fréquentation, la distribution et la structure de la population de requin-baleine dans la zone.

Pour la première étude du requin-baleine à Madagascar, le projet utilise des méthodes d’étude complémentaires, avec pour but d’étayer la mise en place de mesures de protection efficaces. La photo-identification permet de connaître la taille et la structure de la population, grâce aux motifs différents de chaque requin-baleine qui sont comparés sur la base de données internationale www.whaleshark.org à travers le monde. À ce jour, plus de 10.000 requins-baleines différents ont été identifiés sur la plateforme, et ce grâce aux efforts localisés des scientifiques mais aussi grâce aux photos et vidéos de plongeurs, qui peuvent directement être utilisées si la partie gauche de l’animal est capturée (celle qui est ensuite comparée aux autres photos).

Le déploiement de balises, effectué en 2016, permet de suivre les mouvements des animaux, mais reste une technique dont la durée de vie est limitée à quelques mois, et qui nécessite que le requin-baleine soit en surface afin de communiquer avec un satellite. Cependant, les résultats obtenus en 2016 ont permis aux scientifiques de mieux comprendre l’importance de Nosy Be ; en effet, quatre des huit requins balisés sont revenus, l’un d’entre eux ayant nagé plus de 4.250 kilomètres après quatre mois, jusqu’au Sud de Madagascar. Ce requin-baleine, prénommé Jacques, a ensuite été observé au mois de juillet 2018. Grâce à la photo-identification, l’équipe a pu confirmer son identité.

Justement, afin de préserver cette biodiversité, le projet a aussi mis en place une charte d’approche afin de réguler les interactions entre requins et Hommes, qui a été rapidement adoptée par les opérateurs touristiques et les clubs de plongée. Une série de règles, déjà mises en place ailleurs dans le monde et testées par des scientifiques de renom, ont été implémentées afin de ne pas déranger les requins-baleines en pleine alimentation, et portent leurs fruits.

Interdiction de toucher l’animal, conserver une distance de plusieurs mètres, et, surtout, ne pas utiliser l’hélice lors des mises à l’eau, sont des actions qui se doivent d’être suivies à la lettre par les opérateurs locaux et les clients, afin de ne pas déranger les animaux, mais aussi afin de sécuriser la présence des nageurs, qui, eux aussi, sont exposés aux mêmes dangers, pouvant être fatals. De nombreux avantages découlent de l’adoption de la charte. Les requins-baleines sont plus décontractés quand il y a moins de bateaux autour d’eux, et restent plus longtemps en surface, permettant aux nageurs d’immortaliser ces moments privilégiés, en petit comité, tandis que les autres bateaux attendent sagement leur tour.

« Madagascar Whale Shark Project »
Le « Madagascar Whale Shark Project » est aussi à l’origine d’un programme de sensibilisation sur l’île, depuis 2018. Grâce à une campagne de financement participatif, le projet a pu étendre ses activités à travers les écoles, menées en partenariat avec une association locale, MADA Megafauna, afin d’éveiller les consciences à la préservation de l’océan et de sa mégafaune. Découvrez l’une des vidéos des Gardiens des Océans.

Vous rêvez de nager avec les requins-baleines ? En tant que client, vous pouvez directement choisir un opérateur responsable, afin d’encourager l’application de la charte d’approche, et vivre une expérience mémorable. Le Madagascar Whale Shark Project met à disposition une liste sur son site.

Le Madagascar Whale Shark Project est une fondation qui fonctionne grâce au travail assidu de ses bénévoles. Vous pouvez la soutenir grâce à vos dons, mais aussi participer au projet directement comme bénévole durant la saison, les candidatures sont encore ouvertes jusqu’au mois d’août.

Merci à Gabriel Barathieu pour ses sublimes photos.

Source : Les requins-baleines de Madagascar : un nouvel espoir pour l’espèce ?