Benjamin Darnaud, le boucher toqué

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Benjamin Darnaud a ouvert la boucherie Viande & Chef, rue de Lancry, dans le 10e arrondissement parisien, en mars 2015. J-L DIAS En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/m-gastronomie/article/2016/01/25/benjamin-darnaud-le-boucher-toque_4853037_4497540.html#B1sCtYD1RL6x0wPw.99
Benjamin Darnaud a ouvert la boucherie Viande & Chef, rue de Lancry, dans le 10e arrondissement parisien, en mars 2015. J-L DIAS

Jeune cuisinier et joli garçon d’une trentaine d’années, Benjamin Darnaud a connu la notoriété télévisée lors de la première édition de « Top Chef » sur M6. « C’était une bonne expérience de télé mais pas en cuisine. L’organisation était plutôt free style. » Sa vraie bonne expérience en cuisine, Benjamin l’a vécue chez Michel Bras à Laguiole. Il a travaillé deux saisons dans le restaurant trois étoiles de l’Aubrac, la première année en boulangerie-pâtisserie, la seconde comme chef de partie garde-manger. « Je me suis rendu compte à quel point la proximité avec les produits était importante. J’ai appris comment les respecter, les traiter, les toucher. Comment y mettre la dernière touche. »

Il en parle avec émotion, attablé chez Elmer, la nouvelle adresse de la rue Notre-Dame-de-Nazareth (Paris 3e), en pleine ébullition gourmande après la faillite de la « Jeune Rue », le projet mégalomaniaque de Cédric Naudon qui voulait transformerla rue Volta voisine en arche de Noé des terroirs de France.

Simon Horwitz, le chef diplômé de Ferrandi, a fréquenté les meilleures brigades avant une tournée en Amérique du Sud : Brésil, Bolivie, Pérou et Mexique. Il vient d’ouvrir ce bistrot à vocation gastronomique où l’huître de Kermancy (12 €) concombre et laitue de mer, la cane mi-sauvage, endives caramélisées, brocolito (23 €) et la ganache chocolat café et sorbet fromage blanc (9 €) furent un régal. Fraîcheur délicate de l’huître, cuisson parfaite de la volaille, dessert dressé chic, ce chef saitcuisiner. Aux tarifs parisiens. Ni formule ni menu, juste un plat du jour (18 €) à midi, l’addition dépasse vite les 50 € avec les boissons.

Pièces grillées au déjeuner

Après un tour d’Europe pour la série « Taste Hunters » sur Ushuaia TV, Benjamin Darnaud n’avait pas vraiment envie d’ouvrir un restaurant comme il en fleurit à foison dans la capitale. « En rentrant, j’allume la télé et je tombe sur tout le discours végétarien à la mode. Qu’il ne faut plus manger de viande, etc. C’était n’importe quoi ! Alors que je venais de rencontrer des producteurs extraordinaires avec des histoires et des produits magnifiques. Il fallait faire quelque chose. »

La Ville de Paris a récupéré un local rue de Lancry (10e) et voudrait en faire une boucherie. « Moi, je suis cuisinier. On discute, on discute et une idée me revient. A Rome, j’avais vu une ancienne boucherie de quartier, très belle, avec en vitrine plein de produits transformés, des volailles farcies de toutes sortes. Rien à voir avec les feuilletés ou les vol-au-vent style traiteur. Alors pourquoi pas mettre des bouchers et des cuisiniers ensemble ? On verra vite si ça marche. »

Viande & Chef a ouvert en mars 2015. S’il ne gagne pas des mille et des cents, Benjamin peut payer son personnel et ses éleveurs, à qui il rend visite tous les ans. « Ce n’est pas écrit “boucherie” sur le magasin parce que je ne me définis pas comme boucher, mais j’ai envie d’en savoir plus sur la viande en tant que cuisinier, de travailler avec les éleveurs, peut-être de faire un peu changer les choses. »

“Des clients restent parfois une heure dans le magasin à nous regarder faire les saucisses. Le lieu a été pensé comme une cuisine ouverte où l’on voit tout ce qui se passe.” Benjamin Darnaud

Il s’est rendu compte que, dans son métier, il traitait toujours les mêmes morceaux : « Filet, faux-filet, bavette, un peu de rumsteck, ça ne représente que 18 % de la bête. Il y a pourtant une demande des gens pour des pièces qu’ils n’osent pas préparer et qui, nous, nous intéressent. » C’est là que le cuisinier rencontre le boucher. « Un avant de veau, roulé avec des algues, cuit sous vide à 52°C pendant douze heures, c’est extraordinaire. »

Une fois par mois, ils font « le cochon complet ». Jambon avec sel et poivre sans ajout, pâtés, terrines, saucisses. « Des clients restent parfois une heure dans le magasin à nous regarder faire les saucisses. Le lieu a été pensé comme une cuisine ouverte où l’on voit tout ce qui se passe. » Si, aujourd’hui, la viande représente 70 % de son chiffre d’affaires et la « food » seulement 30 %, Benjamin va désormais seconcentrer sur celle-ci, en proposant au déjeuner des pièces marinées ou grillées vendues à la tranche et bientôt des « lunch box » avec un mélange de légumes de saison. Et pourquoi pas quelques tables en pleine boucherie.

Source:Benjamin Darnaud, le boucher toqué Par JP Géné