Depuis deux ans, le monde du tourisme n’a d’yeux que pour la pandémie. La crise climatique déchaîne moins de passion et pourtant. Faut-il considérer le tourisme durable comme non prioritaire ? Détrompez-vous, selon la dernière étude du collectif Digital Green Tourisme, les consommateurs sont prêts et n’attendent plus que vous, les agences de voyages.
Des représentants de réseaux de distribution expliquaient en toute décontraction que le climat pouvait bien attendre et que le monde de demain pour ce qui les concernait, ne serait pas différent de celui d’hier.
C’est une opinion.
Mais au fond la seule qui importe est celle du consommateur : qu’attend-il du secteur du tourisme, comment le juge-t-il et qu’en espère-t-il ? C’est à ces questions cruciales pour les agences de voyages, que Digital Green Tourisme (DGT) a essayé de répondre.
Le collectif s’est appuyé sur Nouvelle Lune agency, une agence créée par Marelune Yvinec, experte en communication digitale, blogueuse voyage et membre de DGT.
La spécialiste a sélectionné 11 influenceurs voyage (voir encadré plus bas) qui se sont prêté au jeu, invitant leurs communautés à répondre aux questions de l’étude.
Entre octobre et novembre 2021, plus de 5 000 personnes ont participé à notre enquête. Et pour ceux qui disent que le durable attendra, la déconvenue pourrait être terrible…
Le transport, cible numéro 1 dans l’impact du tourisme
Premier constat : oui, le tourisme a un impact fort sur l’environnement. Ils sont 98,5% à le penser.
Pour eux, le coupable numéro 1, c’est le transport.
Certains accusent l’avion, d’autres le fait d’en faire un usage trop fréquent, d’autres encore la voiture, mais tous pointent les émissions carbones des transports comme problème majeur que l’industrie du tourisme doit prendre à bras-le-corps.
Sont ensuite cités ensuite le tourisme de masse et ses infrastructures : l’hébergement et la bétonisation, « la transformation des paysages », la création d’activités souvent polluantes, la gestion des déchets… Au-delà de l’impact carbone, les internautes pointent les conséquences du tourisme sur le patrimoine naturel et culturel de la destination.
La prise de conscience est globale.
Les personnes interrogées pensent toutes que le tourisme met en danger l’environnement. Pour autant, elles n’y renoncent pas et préfèrent chercher des solutions.
Et c’est à ce niveau que les agences de voyages interviennent (ou pas justement) !
Voyager durable : pas toujours facile !
Comme dans leur quotidien, ils cherchent à ralentir et voir le monde autrement. Et ce qui est valable au quotidien l’est aussi en voyage.
Ils dénoncent un tourisme qui ne respecte pas la destination et des problèmes de comportements individuels : « les gens sont sales, peu importe où ils vont ». Écologie, habitudes culturelles, l’humain… « les gens ne respectent rien quand ils ne sont pas chez eux ».
Un jugement sévère et qui, à la lecture, s’accompagne d’un sentiment de découragement.
En filigrane, on découvre des amoureux du voyage qui essaient d’adapter leur façon de voyager, mais qui le font sans accompagnement et se sentent un peu abandonnés par les pros.
Nous sentons poindre dans l’étude une méfiance envers un secteur qui leur semble peu attentif à l’état de la planète qu’il propose de découvrir.
Pourtant, le tourisme durable est pour ces internautes une nécessité.
Le tourisme durable est -il devenu incontournable ?
« Oui !, nous ne pouvons plus continuer à ce rythme.» Pêle-mêle, dans les retours nous retrouvons «indispensable», «carrément nécessaire» «Ça me parait évident !» …
Le tourisme durable est «incontournable» pour 83,9% des répondants.
Pourtant pour beaucoup d’internautes, ce qu’il recouvre est difficile à définir : est-il local, écologique, équitable, tout ça à la fois ? Manquant d’informations, ils s’en chargent eux-mêmes et sont 95,1% à remplir notre boîte à idées du changement de pratiques.
Un point revient souvent pour définir le tourisme durable.
«J’adore explorer autour de chez moi, en train par exemple» indique l’un des internautes. Comme lui, ils veulent «apprendre à apprécier les merveilles de France, sans chercher à voyager loin» et «arrêter de vouloir aller au bout du monde quand on ne connaît pas chez soi».
Le local est plébiscité.
Ils ne renoncent pas pour autant au long-courrier, mais «c’est un luxe» qu’ils préfèrent réduire. La majorité d’entre eux préconise des séjours plus longs et au plus près des populations locales, pour être complètement immergée et «redonner du sens» à leur séjour.
Enfin, pour en finir avec ce tourisme de masse qu’ils rejettent, la plupart des répondants revendiquent le hors saison, pour éviter de se déplacer tous en même temps aux mêmes endroits.
Le manque d’information et d’offres semble frustrer nos répondants. L’un d’entre eux affirme même : «Dans le contexte actuel, je m’interdis de voyage par manque de proposition durable».
Les agences de voyage en première ligne :
Dans l’ensemble, ils réclament une communication transparente.
«J’aimerais que les agences ne proposent que des offres de tourisme durable, pas du greenwashing mais de vraies offres à impact faible» et un engagement réel.
«Ça ne doit pas être un argument marketing mais une mise en place globale, avec des initiatives durables intégrées à chaque offre». Une affirmation en totale contradiction, avec les propos tenus lors de la table ronde à l’IFTM Top Resa.
Créer la demande au lieu de se contenter d’y répondre, c’est aussi là que les pros sont attendus. L’un des témoignages est particulièrement parlant, surtout que la personne a travaillé dans de nombreuses agences de voyage locales (dans différents pays).
«Le tourisme durable est très important pour moi, mais on ne m’a jamais demandé de créer un voyage écologique, car les clients ne s’en soucient pas, ça n’a jamais été un facteur d’achat déterminant malheureusement.
La plupart des agences affichent des pages “tourisme durable” mais c’est du pipeau. Aucune de celles pour lesquelles j’ai travaillé n’a jamais fait d’efforts en ce sens».
Informer les voyageurs, former le regard, donner envie, innover… Plus que jamais, les agences de voyages doivent être porteuses d’une véritable démarche.
Si la confiance semble s’émousser, il ne tient qu’à vous de la relancer.
Pour cela, il est possible de se former et en étant ambitieux en matière de RSE, en choisissant des fournisseurs engagés, en réduisant votre empreinte carbone, en communiquant en toute transparence.
En écoutant la société, qui n’attendra pas que l’industrie du tourisme opère sa mue.