L’olive fait tache d’huile

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Avec son millier de variétés, l’huile d’olive s’est imposée sur toutes les tables, y compris celles des grands chefs. Les crus primeurs ont même leur festival, les Olio Nuovo Days, qui se tiendra à Paris du 17 au 21 janvier.

Vous connaissez le Beaujolais nouveau, mais avez-vous déjà goûté à l’huile d’olive nouvelle ? Du 17 au 21 janvier, la deuxième édition des Olio Nuovo Days célébrera, à Paris, une sélection d’huiles primeurs, millésimées 2016, en provenance de divers pays du pourtour méditerranéen. « Les huiles nouvelles, ce sont celles qui sont pressées ou extraites, à froid bien sûr, moins de trois mois avant la dégustation, explique la fondatrice de l’événement Emmanuelle Dechelette. Ce n’est pas un snobisme : c’est lorsque les huiles sont très fraîches que l’on peut les apprécier dans toute leur finesse et leur diversité. »
Vierge ou extra-vierge (selon son taux d’acidité), filtrée ou non, l’huile d’olive nouvelle est souvent d’un vert intense, épais et opaque, gorgée d’antioxydants (donc excellente pour la santé), amère et ardente. C’est cette « ardence », soit le piquant ressenti dans la gorge, qui la caractérise. Avec le temps, l’huile s’adoucit et se clarifie, mais Emmanuelle Dechelette est formelle : « Il n’y a pas d’huiles d’olive de garde. C’est un produit périssable, la nouvelle récolte devrait chasser l’ancienne. »
Associant hédonisme et pédagogie, les Olio Nuovo Days proposeront, dans divers établissements de bouche parisiens, des rencontres avec des producteurs, des chercheurs, des chefs, ainsi que des ateliers de création et de dégustation.

Saveurs artichaut et herbe coupée

Mariées à tous types d’aliments, du chocolat aux fruits de mer, servies sur du pain grillé ou directement goûtées au verre, les huiles se révèlent d’une infinie diversité – du « fruité vert intense » aux saveurs d’artichaut et d’herbe coupée, au « fruité mûr » et ses notes florales ou boisées, sans oublier le « fruité noir » issu d’olives mûres légèrement fermentées (une spécialité française). Leur qualité dépend des variétés d’olives (près de mille dans le monde), mais aussi du savoir-faire des producteurs et des dates de récolte. Des subtilités que beaucoup ignorent encore, alors que le produit est dans toutes les cuisines.

« L’intérêt pour les huiles d’olive ne cesse de croître », constate Jean-Emmanuel Jourde, secrétaire général de l’Agence pour la valorisation des produits agricoles (AVPA), qui organise depuis quinze ans un concours annuel des meilleures huiles d’olive du monde. La preuve : « Même dans les supermarchés, les industriels commencent à diversifier leurs linéaires, en proposant des huiles “intenses” ou “douces”. » Huile gastronomique par excellence, l’olive est désormais prisée des grands chefs comme des marmitons – même si elle ne représente que 2 % du marché mondial des huiles végétales, loin derrière les huiles de palme, soja, colza ou tournesol.

Pour Alessandra Pierini, de l’épicerie italienne parisienne RAP, « les clients sont de plus en plus exigeants et connaisseurs : ils recherchent certaines huiles, plus ou moins vertes et ardentes, selon ce qu’ils cuisinent, ou la personne à qui ils veulent l’offrir. C’est devenu la matière grasse favorite, aussi variée que savoureuse et bonne pour la santé ». Même son de cloche à La Grande Épicerie, à Paris, qui propose près de 80 références, selon la responsable marketing Alexia Soyeux : « Aujourd’hui, les consommateurs s’intéressent moins au flacon qu’à la manière dont l’huile est faite. Et ils sont prêts à y mettre le prix. » Quant aux chefs, ils se passionnent pour des petites productions de qualité et des huiles typées, souvent monovariétales, comme l’exquise Le Amantine de Marina Gioacchini, dans le Latium, en Italie, ou la Courbeil d’Olivier Borrat, à Banyuls-sur-Mer, la favorite de Julien Dumas. « Lorsque j’ai démarré il y a quinze ans, confie le chef étoilé du restaurant parisien Lucas Carton, nous ne savions pas trop quoi faire avec l’huile d’olive. Maintenant, on s’intéresse aux oléiculteurs, aux variations des goûts selon les récoltes et les variétés. On s’aperçoit qu’une très belle huile nouvelle peut remplacer le poivre ou le piment, servir d’assaisonnement, voire être au centre de l’assiette. » Plus qu’une base, l’huile d’olive devient alors un ingrédient à part entière.

Source : Camille Labro – L’olive fait tache d’huile