Le 1er novembre, le changement climatique sera au sommet… des discussions. En effet, se tiendra à Glasgow, en Écosse, la conférence internationale des Nations unies sur l’enjeu pour l’environnement – COP26 – jusqu’au 12 novembre. Un des objectifs de l’événement est de réduire la dépendance au charbon et l’élimination des combustibles fossiles. Un des secteurs ayant déjà pris le train en marche demeure le tourisme, filière qui est encore plus sous les projecteurs depuis la réouverture intégrale de nos frontières, vendredi dernier.
Comment le tourisme est-il devenu plus vert localement ? Un grand bond en avant demeure l’élimination du plastique. Plusieurs hôtels ont pleinement intégré ce concept. Le general manager de Salt of Palmar, Raj Reedoy, cite un projet intégré, institué depuis novembre 2018 pour «déjouer le plastique». «Une bouteille d’eau réutilisable en aluminium et aux couleurs de l’hôtel est offerte à chaque client à son arrivée. Il peut la remplir et l’aromatiser aux sources d’eau Fresh Nordaq de l’hôtel. Le personnel soutient cette cause en incitant les voyageurs à ne pas utiliser de bouteilles en plastique et à adopter les mêmes gestes à leur retour.» Par extension, ce geste sensibilise l’entourage des vacanciers et les partenaires de l’hôtel.
Le zéro plastique
Des chambres à la restauration, le zéro plastique est devenu le mode de vie. Sont privilégiés les couverts en bois, pailles en bambou, serviettes et produits d’accueil en chambre majoritairement organiques et emballages à base de journaux recyclés ou de papier minéral. Doté d’ouvertures favorisant une ventilation naturelle, l’hôtel utilise des chauffe-eau solaires et régule l’éclairage avec des capteurs de présence. «Les toilettes sont économes en eau, les tongs sont en raphia et les peignoirs en fibre de marc de café. Le restaurant est à la carte, limitant ainsi le gaspillage alimentaire, alors que les restes sont utilisés pour nourrir les animaux», ajoute-t-il. Dûment triées, les huiles usagées et contenants des produits chimiques, entre autres déchets, partent au recyclage.
Par ailleurs, le responsable du groupe Attitude, Jean-Michel Pitot, a lancé Positive Impact, mouvement destiné à fédérer les clients, partenaires touristiques et citoyens autour d’un modèle de développement durable et raisonné. Diverses actions sont entreprises depuis des années. À l’exemple du Marine Discovery Centre, créé pour former les pêcheurs, la population locale et les touristes à la préservation environnementale ou encore à l’étude des écosystèmes marins. «Depuis un an et demi, c’est un fait : on n’utilise plus de plastique dans aucun de nos hôtels», affirme-t-il. Aussi, 3 600 000 objets en plastique n’iront plus se déverser dans les décharges avec des initiatives, comme l’embouteillage en verre de l’eau et l’usage de gourdes, entre autres.
Pour sa part, Suhaylah Chamroo, Quality Assurance & Training Manager du Tamassa, hôtel du groupe LUX Collective, cite, notamment, Tread lightly, programme également en vigueur à Salt of Palmar. Quel en est le concept ? Il favorise un séjour exempté d’émission de carbone aux clients et promeut l’énergie renouvelable et la biodiversité. De plus, indique notre interlocutrice, il propose aux vacanciers de contribuer bénévolement un euro par nuit. Le but étant de sensibiliser à la conservation d’eau et d’énergie. Doté de sa propre usine de bouteilles en verre, l’établissement contribue aussi aux centrales énergétiques à Maurice et à la restauration de 2 728 hectares de forêts en Afrique, entre autres, précise-t-elle.
Le Tamassa, qui fait partie de la Black River Gorges – Bel Ombre Biosphere Reserve approuvée par l’Unesco, travaille à la formation des guides marins qui embarqueront les clients dans des aventures sous-marines pour préserver l’écologie. La conservation des lagons, le nettoyage régulier, la réhabilitation du corail du lagon de l’hôtel, la conversion des espaces verts de l’établissement en jardin endémique pour réduire l’émission de gaz carbonique, le développement de sources d’énergies alternatives et la gestion responsable des déchets sont également entrepris. «Nous avons développé le projet Kids go green où les enfants de la communauté participent à la protection de l’environnement», soutient-elle.
De son côté, Veranda Leisure and Hospitality (VLH), le pôle hôtellerie du groupe Rogers, affirme oeuvrer à réduire son empreinte carbone depuis une dizaine d’années. À titre d’exemple, l’entretien des récifs artificiels de Bel-Ombre a permis de replanter des coraux et de contribuer à l’apparition de 20 nouvelles espèces de poissons. La nouvelle unité d’embouteillage d’eau a permis, en 2019, d’éviter l’utilisation d’au moins 27 tonnes de bouteilles en plastique pour l’approvisionnement des hôtels et en août, le programme de développement durable Now for tomorrow a été lancé. «Avec cette charte qui retrace les actions concrètes du groupe, nous nous engageons davantage sur cinq piliers bien définis – la transition énergétique, la protection de la biodiversité, l’économie circulaire, le développement inclusif et l’intégration des communautés dans nos opérations», confie-t-on à VLH.
Ce mois-ci, le groupe compte compenser le bilan carbone des clients dans ses deux établissements Heritage Resorts, en offrant des séjours neutres en carbone. «Cet objectif sera réalisé à travers l’achat de crédit carbone auprès du groupe Aera, qui aidera ensuite à financer des projets environnementaux dans le monde. Nous comptons participer à des projets locaux comme la construction d’une ferme photovoltaïque et le reboisement de terres nonutilisées.» Les initiatives d’efficacité énergétique dans la région de Bel-Ombre seront intensifiées pour augmenter la part d’énergie renouvelable jusqu’à 80 % d’ici 2025. En janvier 2022, un approvisionnement à 100 % en fruits et légumes, fruits de mer, volaille et viande auprès d’agriculteurs, producteurs et fournisseurs locaux sera entamé. Le taux de recyclage actuel des déchets de 65 % passera à 75 % l’an prochain, entre autres actions.
Bien qu’un accroissement des mesures au niveau hôtelier soit perceptible, qu’en est-il du stade d’avancement dans l’île ? Le réveil écologique est certes une réalité avec l’élimination du plastique, entre autres gestes, constate l’économiste spécialisé en tourisme, Ramesh Durbarry. «Les touristes d’aujourd’hui sont très conscients de l’impact climatique. On parle beaucoup de green tourism désormais. Subséquemment, les opérateurs du secteur doivent intégrer ce label vert au niveau des hôtels et de tous les types de résidences touristiques.» Parallèlement, les plans pour l’installation de chauffe-eau solaires doivent être encouragés. Maurice doit davantage se positionner comme une destination «verte» surtout dans l’ère post-Covid-19, ditil. «L’économie verte implique également le combat contre la pauvreté. Quand un touriste choisit une destination, Maurice est un paradis parmi tant d’autres. On doit trouver cette valeur ajoutée pour se distinguer aux yeux du visiteur.»
Le directeur exécutif d’Omarjee Aviation, Umarfarooq Omarjee, dit observer une amélioration de la prise de conscience collective en tourisme durable avec l’investissement dans des véhicules hybrides pour le déplacement des touristes. «L’État a aussi pris des mesures pour encourager l’achat de ces voitures. De plus, plusieurs choses ont changé dans les hôtels. Par exemple, certains favorisent le captage d’eau de pluie pour l’arrosage des plantes. D’ailleurs, avec la fermeture des frontières et moins de touristes, la nature a pu se renouveler.» Pour continuer sur cette lancée, Maurice doit capitaliser sur la volonté individuelle avec le maintien d’actions progressives. «Par exemple, les voitures rechargeables sont désormais monnaie courante alors qu’il y a dix ans, c’était impensable. Le changement se fait encore mieux quand il vient de l’individu et non pas en lui étant imposé», ajoute-t-il.
Protection des écosystèmes
Par ailleurs, l’ancien stratégiste global de Greenpeace International et expert en développement durable, Sunil Dowarkasing, souligne que le secteur touristique contribue globalement à 8 % des émissions de carbone. Un rapport du COP25 en 2019 prévoit une augmentation de 25 % des émissions de CO2 liées au tourisme d’ici 2030. «Les recherches dans cette filière indiquent que les touristes contribuent de 30 % à 80 % des émissions locales dans les îles. Globalement, l’empreinte carbone liée au tourisme provient à 49 % des transports, un aspect dépourvu de contrôle à Maurice.» Dans la même veine, il évoque les risques pour les hôtels bâtis sur la zone côtière rendus plus vulnérables par la montée du niveau de la mer et les changements climatiques.
Aussi, des actions urgentes s’imposent, dont plus de programmes de protection des écosystèmes plus fragiles comme les récifs coralliens, entre autres ; l’augmentation de la végétation indigène sur la côte pour réduire l’érosion et les moyens de rendre les services plus verts. En effet, la climatisation est la plus énergivore en milieu hôtelier, soit 48 %. À la deuxième place, on trouve les équipements électroniques comme la télévision avec 13 %, la lumière avec 12 % et la cuisine/restauration avec 11 %.
«La décarbonisation de l’industrie touristique doit, évidemment, faire partie des politiques internes mais il faut aussi des mesures étatiques plus larges», affirme Sunil Dowarkasing. Il estime que les hôtels doivent générer leur propre énergie renouvelable et migrer vers une flotte de véhicules électriques. À cela, se greffent la minimisation du gaspillage alimentaire, le recyclage des déchets organiques, le traitement des eaux usées, entre autres actions, souligne-t-il.
Allier changement climatique et tourisme, un défi mondial
De nombreuses activités, tels les vols en avion et promenades en bateau, contribuent à l’empreinte carbone du tourisme. Les visiteurs des pays à haut revenu représentent la grande majorité de cette empreinte, les Américains étant en tête du classement suivis par le Japon en deuxième position, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. D’après une étude du Multidisciplinary Digital Publishing Institute (MDPI), l’industrie touristique islandaise connaît la plus forte croissance, avec une progression annuelle de plus de 20 % ces cinq dernières années. Les émissions totales de gaz à effet de serre (GES) causées par le tourisme en Islande ont triplé, passant de 600 000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2) en 2010 à 1 800 000 tonnes en 2015. Les chiffres ne cessent d’augmenter. D’autre part, l’empreinte carbone globale de Hong Kong et Macao serait environ trois fois supérieure à leurs émissions directes liées à l’énergie. À l’échelle mondiale, la pandémie de Covid-19 a entraîné une réduction de 7 % des émissions de GES en 2020. Le tourisme conventionnel non contrôlé constitue une menace pour de nombreuses zones naturelles dans le monde. Et les voyages représenteront 12 % des émissions mondiales de GES d’ici 2025.