En 2016, la gastronomie sous le signe du bio et de l’anti-gaspi

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La cuisine légumière a le vent en poupe, ce qui ne signifie pas pour autant la victoire des petits pois et du chou kale sur le rumsteak ou la bavette.

Le pavillon D6 qui vient d’ouvrir à Rungis – le plus grand en Europe sur 6 000 mètres carrés –est entièrement réservé au marché bio ; c’est la reconnaissance symbolique d’une nouvelle tendance dans l’alimentation des Français : le recours de plus en plus fréquent aux produits de l’agriculture biologique.

L’année 2016 l’a confirmé : plus de 560 producteurs de lait, 300 domaines viticoles et 400 éleveurs bovins se sont engagés dans un processus de conversion ces six derniers mois. Ce mouvement s’inscrit dans un climat général de désir de traçabilité et de contrôle de notre nourriture auxquels les chefs ne peuvent échapper.

Multiplication de potagers urbains

Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à proposer une cuisine écolo et sans gaspillage. A l’image de François Pasteau (L’Epi Dupin, à Paris) qui a fondé l’association Bon pour le climat, regroupant une vingtaine d’hôtels-restaurants et proposant des recettes et des astuces pour cuisiner, recycler et choisir les produits, ou de Gaël Orieux (Auguste, à Paris) qui avec l’opération « Mr Goodfish » milite pour l’achat de poisson « au bon moment, au bon endroit, à la bonne taille ».

Cet automne, à l’initiative du site Atabula et d’Olivier Roellinger – Les Maisons de Bricourt, à Cancale (Ille-et-Vilaine) –, plusieurs centaines de chefs ont signé une « Lettre ouverte contre l’invasion de l’agrochimie dans nos assiettes », protestant contre la prise de contrôle de la société américaine Monsanto, spécialiste des semences OGM par le groupe allemand Bayer, fabricant de pesticides ; le nouvel ensemble donnera naissance à un mastodonte aux conséquences imprévisibles pour notre alimentation.

Dans le même temps, on assiste à la multiplication de potagers urbains pour les restaurants dont certains ingénieurs agronomes se sont fait une spécialité. Patrick Challaye, « ethno-agro-écologiste » à Saint-Etienne, a répondu aux commandes de Didier Perréol, propriétaire du Château de Massillan, à Uchaux (Vaucluse).

Nicolas Bel, avec sa start-up Topager, a créé un petit jardin d’herbes aromatiques au-dessus du Terroir parisien de Yannick Alléno, à la Maison de la Mutualité, puis un autre sur le toit du Pullman-tour Eiffel et, plus récemment, à l’école de restauration Ferrandi.

L’irruption des boulettes de toutes les viandes

Il faut certes distinguer les bacs de plantes aromatiques et autres verdures qui sont d’abord un excellent outil de communication des vrais potagers qui assurent tout ou l’essentiel des besoins de la maison.

Parmi ces derniers, on citera, à Perpignan, Christophe Comes (La Galinette), à Menton (Alpes-Maritimes), Mauro Colagreco (Mirazur), à Blainville-sur-Mer (Manche), Philippe Hardy (Le Mascaret), à Nantes, Jean-Charles Baron et Isabelle Lefèvre (Maison Baron-Lefèvre/Les Pellières), à Oletta (Haute-Corse), Jérémie Verdeau (Le Potager du Nebbio), à Noirmoutier (Vendée), Alexandre Couillon (La Marine), à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), Cathy et Cédric Denaux (L et lui), à Bonnieux (Vaucluse), Edouard Loubet (Domaine de Capelongue), à Lourmarin (Vaucluse), Reine Sammut (Auberge de la Fenière), etc.

Armand Arnal (La Chassagnette), et ses 2 hectares (ha) de bio en pleine Camargue, et Alain Passard, qui pilote trois jardins dans trois départements (6 ha), sont les modèles de la cuisine légumière qui, pour le chef de l’Arpège parisien, sera la « grande cuisine de demain ».

Nul ne contestera que celle-ci a aujourd’hui le vent en poupe, ce qui ne signifie pas pour autant la victoire de l’endive sur l’entrecôte. C’est le paradoxe de cette année 2016 qui a vu la viande revenir sur le devant de la scène.

Multiplication des comptoirs à hamburgers avec l’apparition de la catégorie « premium » (Big Fernand, Five Guys), irruption des boulettes de toutes les viandes, reconnaissance des bouchers comme stars des métiers de bouche (Yves-Marie Le Bourdonnec, Hugo Desnoyer, Alexandre Polmard) et apparition d’un nouveau mode de conservation et de consommation chic et cher : le bœuf maturé plusieurs semaines, tel le fromage affiné en cave (The Meat Cellar) récompensé par un grand prix de l’innovation au Salon international de l’alimentation (SIAL), à Paris.

Nouvelle approche des légumes directement du champ à l’assiette. Nouvelle façon de consommer la viande. Le match est équilibré. Rendez-vous en 2017 pour la seconde mi-temps.

Source :  JP Géné – En 2016, la gastronomie sous le signe du bio et de l’anti-gaspi