Relance touristique – Le sort de Nosy Be suspendu au retour des gros avions

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Le secteur touristique dans l’Île aux parfums est encore sinistré à cause de la crise et surtout à cause de l’insécurité. Les opérateurs attendent particulièrement le retour des gros avions qui vont amener les touristes.

L’ambiance reste assez morose à Nosy Be. Les grandes époques où les touristes affluaient en masse sur l’Île aux parfums tout au long de l’année sont loin. Aujourd’hui, c’est à peine si l’on rencontre des étrangers circuler dans les rues et encore moins séjourner dans les hôtels. Ces établissements sont, d’ailleurs, parmi les plus touchés par cette baisse de fréquentation, avec un taux de remplissage qui avoisine à peine les 25%. Mais c’est toute l’industrie du tourisme de Nosy Be qui est affectée par la situation, dont les transporteurs mais également toute l’économie locale qui dépend à 90% du tourisme.
« La saison 2015 est déjà terminée pour Nosy Be car les tours-opérateurs ont déjà bouclé leurs catalogues pour cette saison. Et comme une saison se prépare une année à l’ avance, nos yeux sont déjà tournés vers 2016, à l’heure actuelle », déclare Jean Louis Salle, opérateur touristique installé à Nosy Be depuis vingt-deux ans.
L’insuffisance de la desserte aérienne et surtout la dégradation des services d’Air Madagascar sur le réseau constituent les principaux freins invoqués par les opérateurs comme étant à l’origine de cette situation. Nosy Be étant une île, l’accès par voie maritime reste compliqué avec, notamment, la traversée de la mer, incontournable entre Ankify et l’Île aux parfums. Après des années d’irrégularité des vols domestiques de la compagnie nationale, avec des retards récurrents, des annulations repétées et des pannes d’avion, les touristes et les tours-opérateurs ont fini par délaisser la destination Nosy Be.
« Des agences, comme Le Voyage Bourdon de La Réunion, ont décidé de ne plus programmer des vols avec Air Madagascar. Et ce n’est qu’un exemple car il y a beaucoup de cas analogues », affirme un autre opérateur ayant assisté à une réunion avec le ministre du Tourisme, des transports et de la météorologie, Jacques Ulrich Andriantiana, sur place vendredi dernier.

Garantie

Les vols longs-courriers ont également décidé d’abandonner la desserte de Nosy Be après la crise de 2009. À commencer par Corsair, puis Alitalia, et même Air Madagascar après que ses Boeing 767 n’étaient plus autorisés à atterrir en Europe. Des efforts ont été fournis par le régime de Transition pour agrandir la piste afin de permettre aux Airbus A 340, nouvellement acquis par Air Madagascar, d’atterrir à l’aéroport de Fascène, mais avec une charge très limitée qui affecte le remplissage et la rentabilité de tels avions. Pour les vols régionaux, la liaison directe avec l’Afrique du Sud est également suspendue après la chute du secteur touristique due à la crise de 2009. Du coup, les Sud-Africains qui fréquentaient sur l’Île aux parfums pour faire surtout de la plongée sous-marine n’y viennent que rarement.
« Ils sont obligés de passer au moins une journée et une nuit à Antananarivo avant de s’envoler vers Nosy Be. Beaucoup d’entre eux ont renoncé à venir à Madagascar. Toutefois, quelques Sud-Africains sont encore partants pour un court séjour », constate Jean Louis Salle.
Concernant les vols charters, le coût reste le principal blocage auprès des tours-opérateurs. Les compagnies aériennes exigent une caution d’au moins 100 000 euros avant de programmer un vol vers Nosy Be. Une charge qu’à l’heure actuelle les opérateurs ne peuvent pas assumer. Aujourd’hui, un vol charter hebdomadaire dessert Nosy be, et les passagers sont répartis dans trois hôtels pour pouvoir supporter les charges. Le reste des hôteliers sont obligés de se partager ceux qui arrivent par un vol d’Air Madagascar.
Bref, les opérateurs attendent plus que jamais l’augmentation du volume du trafic aérien ralliant l’Île aux parfums. La reprise du tourisme à Nosy Be est suspendue au retour des gros avions à Fascène. Selon les opérateurs, des compagnies comme Corsair sont prêtes à revenir mais elles attendent surtout un signal fort de la part de l’État. Il en est de même pour les compagnies régionales et sud-africaines qui sont déjà intéressées par un retour à Nosy Be. Elles attendent également des garanties de la part de l’État et des opérateurs.

Perspective – Les solutions aériennes prennent forme

Lors d’une rencontre avec les opérateurs de Nosy Be, vendredi à l’hôtel Ravintsara de Dzamanzar, le ministre du Tourisme, des transports et de la météorologie, Jacques Ulrich Andriantiana, était porteur de quelques bonnes nouvelles qui vont entraîner des améliorations au secteur touristique de l’île. A commencer par la situation d’Air Madagascar. La flotte de la compagnie nationale aérienne connaîtra une amélioration palpable au cours de cette année. Après l’acquisition d’un premier ATR 72-600 le mois dernier, un second est attendu ce samedi. L’arrivée de ces deux appareils permettra de soulager considérablement la tension entre l’offre de sièges et la demande actuelle, notamment sur le réseau domestique.
Mais l’acquisition de deux Boeing 737-700 figure également dans le projet, probablement avec l’option leasing. L’objectif de la compagnie nationale serait de pouvoir disposer de ces appareils au mois de juin, avant le début de la haute saison. Toutefois, ce projet se heurte encore à un problème de disponibilité des appareils, lesquels ne seront prêts que vers le mois de septembre, selon la compagnie Appollo aviation group. Air Madagascar cherche donc, à l’heure actuelle, une solution provisoire pour pouvoir faire face avec sérénité à la haute saison.
Ainsi, il n’est pas question, pour l’instant, d’ouvrir le réseau domestique à une compagnie étrangère. Mais l’ouverture progressive du ciel malgache aux compagnies aériennes régionales et même internationales est déjà en marche. L’arrivée récente d’Air Seychelles en fait partie mais également celle de la mahoraise Ewa Air qui dessert Nosy be deux fois par semaine.
« Nous avons également décidé, il y a deux jours, d’autoriser Ewa Air à desservir Sainte-Marie. C’est déjà un signe de la bonne volonté de l’État à ouvrir le ciel malgache, mais il faut rester prudent tout en veillant aux intérêts d’Air Madagascar », a mentionné le ministre Jacques Ulrich Andriantiana en s’adressant aux opérateurs présents à l’hôtel Ravintsara.
Par ailleurs, l’État est prêt à apporter son appui aux vols charters au niveau, notamment, de la délivrance d’autorisation. Mais pour cette solution, la balle est dans le camp des opérateurs qui, avec cette assurance de l’État, se tournent déjà vers l’horizon 2016. L’idée d’organiser des vols charters dès le mois d’avril 2016 a même été lancée par un opérateur, visiblement très enthousiaste avec les bonnes perspectives qui se profilent.

Le code orange levé mais ….

L’insécurité reste le grand inconnu à Nosy Be, à l’heure actuelle. Plus d’un an après le lynchage à mort de trois personnes dont deux Français par une foule en colère, la plaie est encore loin d’être cicatrisée. Les moindres incidents sont tout de suite interprétés comme étant un signe du retour de l’insécurité. La tension reste donc palpable même si sur l’île, le calme est déjà totalement revenu. La présence des forces de l’ordre dans les points stratégiques est également constatée. Il est clair qu’il faudra encore du temps pour qu’on oublie cet épisode sombre de l’histoire de l’Île aux parfums.
Pour les opérateurs, une amélioration de la sensibilisation et de la communication est indispensable. Ils estiment que les exagérations des médias internationaux ont, pour beaucoup, jeté de l’huile sur le feu.
Signe que le secteur médiatique se trouve dans une situation de détresse. Des propositions pour que l’État suive et contrôle tous les articles et reportages faits par des journalistes étrangers sur Madagascar, et Nosy Be en particulier, ont été avancées.

Infrastructure – L’extension de l’aéroport de Fascène acquise

La capacité de l’aéroport de Nosy Be constitue l’un des blocages majeurs de la desserte aérienne de l’île. La piste, trop courte, ne peut pas accueillir les gros porteurs utilisés de plus en plus fréquemment par les transporteurs aujourd’hui. Avec les conditions actuelles, la piste est capable d’accueillir un Airbus A 340 ou un Boeing 777 avec presque la moitié de leur capacité de charge. En 2013, à la demande de l’État, l’Aéroport de Madagascar (Adema) avait déjà réalisé des travaux d’extension des bretelles de sortie et de la zone de retournement afin de pouvoir accueillir le quadriréacteur Airbus 340 d’Air Madagascar. Mais jusqu’ici, l’appareil n’a pas encore fait une seule escale à Nosy Be. Avec seulement la moitié de sa capacité, la rentabilité est loin d’être assurée.
C’est dans ce contexte que le prolongement de la piste apparaît comme une des solutions à court terme préconisées pour pouvoir accroître la capacité d’accueil de l’aéroport de Fascène. Selon Herison Andriamihafy, directeur général d’Adema, un prolongement d’au moins 300 mètres supplémentaires de la piste actuelle est nécessaire.
« L’idéal serait de la prolonger jusqu’à 750 mètres pour que les gros porteurs puissent effectivement se poser en toute sécurité et à pleine charge. Mais tout cela dépend des moyens à notre disposition. Néanmoins, déjà avec 300 mètres en plus, une amélioration considérable est acquise », précise le directeur général.

Reconnaissance

Deux possibilités s’offrent, à l’heure actuelle, pour prolonger la piste. La première consiste à remblayer la mer qui borde la partie Nord de la piste, tandis que la deuxième envisage un prolongement de l’autre bout qui donne vers la terre ferme. Évidemment, cette deuxième option serait la plus facile et la moins coûteuse mais elle se heurte à un problème majeur, à savoir un lieu sacré, ou « fady », qui se trouve dans l’éventuelle zone d’extension. Mais, ce blocage est désormais levé car le roi local, l’Ampanjaka Sirilenta, a donné son accord pour que ce lieu sacré soit déplacé afin de permettre l’extension de la piste.
Cette levée de blocage a été célébrée comme il se doit, vendredi dernier. Une cérémonie traditionnelle, un « Joro », a ainsi été organisée afin de marquer l’évènement. Pour remercier la bienveillance du souverain, âgé de 102 ans, l’État a témoigné sa reconnaissance en l’élevant au grade de Grand officier de l’Ordre national malgache, lors d’une cérémonie solennelle organisée devant l’aéroport de Fascène. Par la même occasion, le ministre Jacques Ulrich Andriantiana a également remis à Herison Andriamihafy les documents attestant la certification de l’aéroport de Nosy Be selon les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

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